‘Asiyih Khanum(1) est une figure historique importante de la Foi baha'ie. Elle partagea en grande partie la vie de Baha'u'llah et fut cruellement éprouvée. Pendant près de quarante ans, elle ne cessa jamais de témoigner, par son amour et son sacrifice, de la grandeur de la Cause de Dieu et de la majesté de sa Manifestation suprême dont elle était l'épouse choisie. Elle expira étant encore prisonnière dans les murs de Saint Jean d'Acre.
Baha’u’llah lui conféra le titre de Varaqatu'l-Ulya, la Plus sainte Feuille. Ce même titre fut accordé à sa fille après la disparition de ‘Asiyih Khanum.
Pour les distinguer, Shoghi Effendi en fait deux traductions différentes : la Feuille la plus exaltée désigne ‘Asiyih Khanum et la plus sainte Feuille indique sa fille Bahaiyyih ou Bahiyyih Khanum. Baha’u’llah appelait son épouse par son titre Navvab, un titre courtois et respectueux utilisé par les nobles, le titre de noblesse qu'elle avait acquise dès sa tendre jeunesse. Quant à son prénom ‘Asiyih, elle est la deuxième héroïne qui le porte dans l'histoire des religions. La première étant, d'après 'Abdu'l-Baha, la fille du Pharaon qui embrassa la foi de Moïse et quitta la cour royale pour accompagner son Seigneur.
Il est nécessaire de souligner que les relations entre ‘Asiyih Khanum et Baha'u'llah ne se résumaient pas à une simple relation de conjoints. Pour elle, Baha'u'llah était avant tout son Seigneur, son souverain divin, son Maître céleste. ‘Asiyih Khanum reconnaissait bien la station suprême de Baha'u'llah en tant que la Manifestation de Dieu. Elle lui montra l'humilité et la vénération les plus profondes sans laisser intervenir la relation conjugale.
La gloire de la révélation Divine remplissait à tel point son âme qu'elle supporta avec résignation et acquiescement les peines et afflictions les plus cruelles dans le sentier de son amour. De son côté, Baha'u'llah déversa son affection sur elle et la désigna, à titre posthume, sa compagne dans tous les mondes de Dieu.
Shoghi Effendi qualifie ‘Asiyih Khanum comme la "mère spirituelle du peuple de Baha", le "Trésor précieux et exalté", "la plus distinguée entre tous les peuples", "l'étoile brillante du Paradis céleste et du firmament de la Loyauté", le "souvenir de la Beauté d'Abha", et la "Feuille qui a jailli de l'arbre de Fidélité".
Il écrit également dans Dieu passe près de nous : "Feuille la plus exaltée" qui, pendant presque quarante ans, ne cessa de faire preuve d'une endurance, d'une piété, d'une dévotion et d'une noblesse d'âme qui lui valurent, de la part de son Seigneur, l'hommage posthume et sans pareil d'être devenue son "épouse éternelle dans tous les mondes de Dieu".(2)
La prophétie d'Isaïe dans le chapitre 54 de son livre est un ancien témoignage de la grandeur exceptionnelle de ‘Asiyih Khanum:
Elargie l'espace de ta tente. Qu'on déploie les couvertures de ta demeure ! Ne te retiens pas. Allonge tes cordages, et affermis tes pieux. Car tu te répandras à droite et à gauche. Ta postérité envahira des nations, et peuplera des villes désertes. Ne crains pas, car tu ne seras pas déshonorée ; Mais tu oublieras la honte de ta jeunesse… Car ton Créateur est ton époux, Seigneur des armées est son nom, et le Saint d'Israël est ton rédempteur. Il sera appelé le Dieu de toute la terre."
'Abdu'l-Baha porte témoignage non seulement du rang le plus exalté de sa mère, celle dont la postérité envahira des nations, et dont le mari est le Seigneur des armées, il mentionne aussi les souffrances qu'elle subit. "Quant à la question concernant le 54ème chapitre d'Isaïe,", écrit-il, "Ce chapitre se réfère à la Feuille la Plus Exaltée, la mère de 'Abdu'l-Baha. Une des preuves est qu'il est dit "Car les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui est mariée."Réfléchis sur cette déclaration, puis sur le passage suivant, "Ta postérité envahira des nations, et peuplera des villes désertes". Et réellement l'humiliation et le blâme dont elle a souffert dans le chemin de Dieu sont un fait que personne ne peut nier. Car les calamités et les afflictions mentionnées dans ce chapitre sont celles qu'elle supporta dans le sentier de Dieu avec patience en rendant grâce et louange à Dieu de lui avoir permis de subir ces souffrances pour l'amour de Baha. Pendant tout ce temps, les hommes et les femmes (les briseurs de l'Alliance) l'ont persécutée d'une façon incomparable, tandis qu'elle était patiente, confiante, calme, humble, et contente par la faveur de son Seigneur et par la générosité de son Créateur." (3)
La vie de cette figure historique de notre religion ne pourra pas être adéquatement décrite. Car, d'une part, chaque événement de sa vie porte une signification particulière et de l'autre, la rareté d'information sur elle ne permet pas de bien saisir sa contribution au développement de la dispensation dont son époux était le porteur. Toutefois, les écrits de Baha'u'llah, quelques causeries de 'Abdu'l-Baha et celles de Bahiyyih Khanum, et les messages de Shoghi Effendi donnent quelques indications qui peuvent nous rapprocher de notre mère spirituelle. Celle-ci assista à la naissance et à la croissance de deux religions dans les circonstances souvent dramatiques dont la deuxième a une portée universelle.
Un long trajet d'exil sans précédent dans l'histoire des religions l'amena de sa terre natale jusqu'au bord de la Méditerranée sur la Terre sainte promise. Consciente de la puissance de la Cause de Dieu, ‘Asiyih Khanum fait le don de sa propre vie et de celle de ses enfants pour que l'humanité se libère de la prison de l'égoïsme et de l'injustice et que le royaume divin s'établisse sur terre. Pour mieux connaître sa vie, il faudra suivre l'histoire du ministère de Baha'u'llah avec qui notre héroïne subit la souffrance et l'humiliation. On peut diviser l’histoire de sa vie terrestre en deux parties : avant et après la déclaration du Bab en 1844.
La vie de 'Asiyih Khanum avant la déclaration du Bab (1844)
Cette période de la vie de ‘Asiyih Khanum se passe dans le calme, la prospérité et le luxe. Elle est la fille d'un noble aristocrate persan, Mirza Isma'il-i-Vazir. Son père comme celui de Baha’u’llah est un grand vizir et très respecté dans la province de Mazindaran. ‘Asiyih Khanum est née à Yalrud situé dans cette même province. La date de sa naissance est inconnue. Dès l'enfance, elle est connue par sa perspicacité et sa nature compatissante et affectueuse.
Sa fille Bahiyyih Khanum relate ainsi : "Comme j'aurais aimé que vous la voyiez telle que je me souviens d'elle. [Elle était] grande, fine, gracieuse avec des yeux bleus foncés – une perle, une fleur entre les femmes.
On m'a dit que même lorsqu'elle était très jeune, sa sagesse et son intelligence étaient remarquables. Aussi loin que je me souvienne, je la vois telle une reine, pleine de considération pour tout le monde. [Elle était] douce, gentille, et d'une générosité merveilleuse. Ses actes reflétaient toujours la bonté de son coeur. Partout, où elle allait, sa présence semblait créer une atmosphère emplie d'amour et de joie, enveloppant tout le monde d'une fragrance de courtoisie douce et aimable.(4)
En 1835, Baha’u’llah qui avait 19 ans épousa ‘Asiyih Khanum. Celle-ci n'est pas attirée par le luxe et ne désire pas mener une vie prestigieuse comme les gens du milieu dans lequel elle vit. Au contraire, elle dépense son temps et ses forces à réconforter les malheureux et les désemparés. La plus sainte Feuille atteste :
"…Même durant les premières années de leur mariage, mes parents participaient peu aux affaires d'Etat et aux cérémonies officielles. Ils n'avaient pas les habitudes luxueuses des familles riches et haut placées de la Perse. Mes parents estimaient que ces plaisirs mondains n'avaient pas de sens, et ils préféraient surtout s'occuper des pauvres, veiller sur les malheureux et ceux en détresse...
Les femmes pauvres venaient constamment voir ma mère à qui elles racontaient leurs malheurs. Ma mère les réconfortait et consolait par sa tendre bienveillance. Tandis que les gens appelaient mon père, "Le Père des Pauvres", ils parlaient de ma mère comme de "La Mère de la Consolation"…(5)
‘Asiyih Khanum donne naissance à sept enfants dont trois survivent : 'Abdu'l-Baha, Bahiyyih Khanum et Mirza Mihdi, la plus Pure Branche.
3. Pendant le ministère du Bab (1844-1852)
Le soir du 22 mai 1844, ‘Asiyih Khanum met au monde un garçon qui sera nommé Abbas (Le Lion). Il prendra le titre de 'Abdu'l-Baha après l'ascension de Baha'u'llah. Sa naissance coïncide au même soir de la déclaration du Bab.
Peu après, la vie de ‘Asiyih Khanum change radicalement. En août 1844, à Téhéran, trois mois à peine après la déclaration du Bab, Baha’u’llah reçoit un parchemin lui apportant les premières nouvelles d'une révélation divine qui venait de naître. Il reconnaît immédiatement son authenticité et se lève pour soutenir sa Cause. A 27 ans, il rejette toute considération de renommée terrestre. Insoucieux du danger, il se lève à Téhéran et plus tard dans sa province natale Mazindaran, pour s'identifier avec la cause qui n'est pour les autres qu'une secte obscure et interdite. Il est légitime d'admettre que ‘Asiyih Khanum soit parmi les premières personnes enseignées par Baha’u’llah.
La sainte Navvab se lève aussi à servir la même cause. Elle accueille les disciples dévoués du Bab chez elle. Sa maison est le foyer important des activités des croyants. Ces derniers sont accueillis gracieusement par la maîtresse de maison qui veille sur leur confort avec tant de bonté et d'amour. ‘Asiyih Khanum s'associe étroitement avec Tahirih. Celle-ci vit chez elle après s'être évadée de la prison grâce aux soins de Baha'u'llah. Lady Blomfield rapporte : "Abbas Effendi nous disait qu'il était un petit garçon assis sur le genou de Qurratu'l-Ayn qui se trouvait dans une pièce chez sa mère ‘Asiyih Khanum…"(6).
En 1846, naît Fatimih, la seule fille de ‘Asiyih Khanum. Baha'u'llah l'appellera plus tard Baha'iyyih et l'honorera par le titre de "la Plus sainte Feuille". Il lui accordera aussi la station de la plus grande héroïne de la dispensation baha'ie. Elle sera très liée à sa mère partageant ses souffrances tout au long de l'exil, la soutient et l'aide de tout son être dans les circonstances pénibles et dramatiques.
D'une capacité intérieure très élevée et d'une dévotion remarquable à Baha'u'llah, ‘Asiyih Khanum observe le rôle fondamental de son époux à guider et inspirer les disciples vaillants du Bab. Notre héroïne doit non seulement assumer ses devoirs de mère mais aussi s'adapter aux changements rapides qui surviennent autour d'elle. Les conditions de l'époque ne permettent pas à ‘Asiyih Khanum d'assister aux réunions tenues par son époux et ses convives. Mais, elle peut suivre les mouvements des croyants et le développement de la Foi. Elle assume ses responsabilités consciemment et sans condition devant une situation de souffrances et de privations, répondant aux besoins immédiats des croyants qui viennent vers elle. ‘Asiyih Khanum prend soin d'eux et leur assure le bien-être. Nabil écrit : "un jour Mirza Ahmad me conduisit à la maison de Baha'u'llah dont la femme, la Varaqatu'l-Ulya, mère de la plus grande Branche, m'avait déjà guéri les yeux avec un onguent qu'elle avait préparé elle-même et qu'elle m'avait envoyé par l'intermédiaire de ce même Mirza Ahmad…"(7)
En 1949, naît un autre fils, Mirza Mihdi. Il aura comme titre la plus pure Branche.
La foi du Bab progresse à une vitesse extraordinaire. ‘Asiyih Khanum observe les activités fébriles des disciples du Bab qui en dépit d'une persécution farouche continuent à braver la situation. Le 9 juillet 1850, le Bab, l'auteur de cette nouvelle dispensation sacrifie sa vie à Tabriz. Après le martyre du Bab, Baha'u'llah continue inlassablement, avec le même enthousiasme qu'aux premiers jours à sauvegarder les intérêts de la Foi du Bab disparu et à ranimer le zèle de ses fidèles abattus par le chagrin.
4. Attentat à la vie du Shah (1852)
Le 15 août 1852, un attentat à la vie du shah déclenche une tempête de persécutions et de massacres sans précédent contre les Babis. Les scènes d'horreur indescriptible se succèdent. Les principaux fidèles qui avaient survécu aux calamités précédentes ont cette fois-ci succombés cruellement sous l'épée de ces ennemis jurés. Baha'u'llah, le vrai leader d'une communauté endeuillée et douloureusement affligée ne pouvait pas y échapper. Il est arrêté, enchaîné, humilié et jeté dans le Siyah-Chal, un cachot souterrain destiné à enfermer les dangereux criminels.
Bahiyyih Khanum la Plus sainte Feuille nous dépeint l'ambiance effrayante de ces moments-là : Un jour, dit-elle, je me souviens très bien, je n'avais que 6 ans, il me semble qu'il y eut un attentat à la vie du Shah perpétré par un Babi à demi-fou. Mon père était allé à sa maison de campagne, dans sa propriété située au village de Niyavaran …
Soudain, un serviteur arriva en courant vers notre mère avec un air très affligé. "Le Maître, le Maître !", cria-t-il, "Il a été arrêté ; je l'ai vu. Il a marché plusieurs kilomètres… Les gens disent qu'il a été cruellement battu. Ses pieds sont nus et en sang. Sa tête est nue. Ses vêtements sont déchirés, et il a des chaînes autour du cou". Le visage de ma mère pâlit de plus en plus. Nous, les enfants, étions terriblement effrayés et nous ne pouvions que pleurer amèrement…(8)
Du jour au lendemain, Baha’u’llah et sa famille perdent tout, leur vie aisée et fortunée se transforme en une extrême pauvreté. Tous leurs biens sont confisqués. Leur famille, amis, connaissances et serviteurs s'enfuient en terreur. Ces jours de détresse et de calamité pour ‘Asiyih Khanum qui attend aussi un bébé rappelle la prophétie d'Isaïe : "Malheureuse, battue de la tempête, et que nul ne console". Pour protéger sa progéniture, elle loue une petite maison dans un quartier obscure de la ville, près de la prison où gisait son époux et loin de la menace d'une population furieuse. La famille vit dans un état de dénuement absolu.
Dans une causerie à Paris, le 18 mars 1913, 'Abdu'l-Baha relate : "… A Téhéran, nous possédions tout à la tombée de la nuit, et le lendemain matin tout fut pillé au point que nous n'avions rien à manger. J'avais faim, mais il n'y avait pas de pain. Ma mère versa un peu de farine dans le creux de ma main, et je la mangeai à la place du pain. Et pourtant, nous étions heureux."(9) Ce témoignage du Maître indique l'état d'esprit de la famille particulièrement celui de la mère du Maître qui était animée par une force divine à supporter les épreuves cruelles avec satisfaction et acquiescement. ‘Asiyih Khanum était dotée d'une capacité extraordinaire à reconnaître les bénédictions divines dans les souffrances et les rudes épreuves qui étaient le lot de son époux bien-aimé, de ses enfants et d'elle-même.
Seule, ferme et résolue, 'Asiyih Khanum doit penser à subvenir aux besoins de ses enfants et à la survie de son époux adoré enchaîné dans le Siyah-Chal. Inébranlable face à un danger constant, cette mère audacieuse, lors du pillage de sa maison, a eu juste le temps de sauver quelques précieux effets de sa dot. Elle les vendra pour pourvoir aux dépenses urgentes et payer les geôliers afin d'apporter de la nourriture à Baha'u'llah. «Oh, quelle terrible anxiété a éprouvé ma mère bien-aimée à cette époque-là!» s'exclame Bahiyyih Khanum.
La sainte Navvab connaît les conditions atroces du Siyah-Chal. Ce cachot noir est à sept marches plus bas que la surface du sol. La saleté jusqu'aux chevilles, cet ancien réservoir d'eau d'un bain public de Téhéran est infesté par d'horribles vermines et d'une atmosphère nauséabonde. Entre ses murs, Baha’u’llah est enfermé avec d'autres Babis, pieds dans le cep, portant une chaîne de plus de cinquante kilos, entassés avec des criminels.
Pour ‘Asiyih Khanum, la difficulté extrême est de faire parvenir à son époux bien-aimé à boire ou à manger dans cette prison infecte. Elle doit aussi rassurer ses enfants angoissés et effrayés dans ces circonstances sombres et incertaines. Anxieux de l'absence de son père, 'Abdu'l-Baha insiste tellement à le visiter qu'on accepte de l'amener voir Baha'u'llah dans le Siyah-Chal. Voyant son père dans cet état, courbé sous le poids de la chaîne, la barbe et les cheveux en désordre, marchant très difficilement, 'Abdu'l-Baha s'effondre et perd connaissance. On l'amène inconscient auprès de sa mère.
5. Baha'u'llah libéré du Siyah-Chal
Libéré miraculeusement après quatre mois d'incarcération abominables, Baha’u’llah est très malade physiquement. "Oh, quelle joie de se trouver en sa présence ! dit encore Bahiyyih Khanum, Et, quelle horreur ce cachot où il passa ces quatre mois terribles ! …En voyant les marques de ce qu'il avait enduré, là où les chaînes avaient entaillé sa peau délicate, surtout celle du cou, ses pieds meurtris, les marques des coups, nous avons pleuré amèrement avec notre mère..." (10)
Baha’u’llah n’a guère le temps de se remettre de ce cruel emprisonnement. Le décret de Nasiri'd-Din shah lui parvient immédiatement, ordonnant de quitter le territoire persan dans un délai d'un mois au plus. Sa maison ayant été pillée et saccagée, il vit chez son frère Mirza Rida Quli à Téhéran. Celui-ci est marié avec une cousine, Maryam, qui est l'une des disciples les plus dévoués, sincères et fidèles. Maryam et ‘Asiyih Khanum très inquiètes pour la santé du prisonnier bien-aimé, meurtri et extrêmement malade, soignent Baha'u'llah avec beaucoup d'attention et d'affection afin qu'il reprenne assez de force avant d'entreprendre un long voyage périlleux pour un exil dont personne ne connaît pas la fin. Très peu de temps leur est accordé avant pour préparer un tel périple en plein hiver sans avoir l'équipement nécessaire. Complètement démunie, ‘Asiyih Khanum doit vendre les quelques objets restant de sa dot sauvés lors du pillage de leur maison.
L'aspect principal et très important à souligner qui n'échappa sûrement pas à ‘Asiyih Khanum fut la transformation de Baha’u’llah. Celui-ci avait reçu dans le noir du Siyah-Chal le message divin, une expérience glorieuse qu'il ne dévoilera pas pendant les dix années qui suivent sa libération.
6. Premier exil de Baha'u'llah en compagnie de 'Asiyih Khanum (Baghdad)
‘Asiyih Khanum rassemble toutes ses forces pour s'occuper des préparatifs du voyage. Baha’u’llah n'est pas encore rétabli lorsqu'ils doivent quitter leur terre natale et partir le 12 janvier 1853 pour l'Iraq, escortés par un officier de la garde impériale et par un fonctionnaire représentant la légation russe. Personne n'ose les approcher. La seule proche qu'ils voient avant leur départ est la grand-mère de ‘Asiyih Khanum. Une autre épreuve évidente de cet exil pour ‘Asiyih Khanum est de laisser à Téhéran son petit garçon Mirza Mihdi. Elle le confie à sa grand-mère. Car il est très faible et ne pourrait supporter un voyage dans de telles conditions. La séparation est très douloureuse.
Ce voyage devait durer 3 mois pour lequel les exilés sont très mal équipés, traversant les montagnes de la Perse occidentale recouvertes par la neige. ‘Asiyih Khanum très inquiète, fait tout pour trouver des aliments et préparer ce qui pourrait améliorer la santé de son époux bien-aimé. "Un jour", relate encore la plus sainte Feuille, "elle put se procurer un peu de farine. La nuit, au caravansérail, elle fit un gâteau, mais hélas, dans l'obscurité elle prit du sel pour du sucre, et le gâteau fut immangeable. Une tragédie en une telle situation ! "(11)
Quelle rude épreuve pour une jeune femme qui avait vécu jusqu'alors dans le bien-être et le confort ayant une vie agréable et aisée avec ses serviteurs et ses servantes à sa disposition. ‘Asiyih Khanum ne se plaint jamais et essaie, par sa sérénité et sa douceur, de rendre la vie plus agréable aux autres. Elle est transportée sur une litière, ce qui n'est pas confortable pour une femme enceinte.
Le 8 avril 1853, les exilés arrivent à Baghdad, la ville que Baha’u’llah appelle la "cité de Dieu", que le Qur'an nomme le "havre de paix". Ils sont tous affaiblis et exténués par ce dur voyage. Peu de temps après leur arrivée, ‘Asiyih Khanum met au monde son dernier garçon. Les souffrances à Téhéran et durant le voyage l'avaient rendue très fragile physiquement. Bahiyyih Khanum laisse encore ses souvenirs précieux : "…ma chère mère avait une santé fragile. Ses forces étaient diminuées par les souffrances mais elle travaillait toujours au-delà de ses forces. Parfois, mon père lui-même l'aidait à faire la cuisine puisque le travail était trop dur pour une femme délicate, raffinée et douce comme elle. Les souffrances qu'elle avait endurées attristaient le coeur de son époux divin qui était aussi son Seigneur Bien-Aimé. Il l'aida aussi bien avant son départ pour les régions reculées de Sulaymaniyyih qu'après son retour."(12)
Au cours de la première année d'exil à Baghdad, une autre crise d'un caractère particulièrement éprouvante se prépare. Elle est cruelle par sa nature, nuisible dans ses effets immédiats et à long terme. ‘Asiyih Khanum et ses enfants sont appelés à en souffrir le calvaire et à en porter les charges. C'est un tourment sans précédent qui les marquera à jamais. Les douleurs de notre héroïne seront intenses, ses supplices sans limite.
7. Les souffrances infligées par Mirza Yahya (Subh-i-Azal)
Mirza Yahya que Baha'u'llah avait élevé(13) après la mort de son père, avec tant d'amour et d'attention se lève à infliger des souffrances inouïes à la sainte famille.
Lorsqu'il arrive à Baghdad, il constate l'attitude de révérences des Babis envers son frère aîné. Il brûle de jalousie et prétend être le chef des Babis. Baha'u'llah, comme un père bienfaisant, essaie de l'entourer d'affection et d'exhortations afin de le protéger, comme il avait toujours fait. Les Babis n'accordent aucune importance aux prétentions d'Azal et le considèrent comme un jeune ignorant et prétentieux dont la réclamation est absurde.
Azal accuse donc Baha’u’llah d'empêcher les croyants de reconnaître sa position. La Beauté Bénie qui avait décidé à sa sortie de Siyah-Chal "de s'adonner, avec la dernière énergie, à la tâche de régénérer"(14) la communauté Babie se mit à réaliser ses projets. Mais Yahya commence à provoquer des discordes entre les croyants et s'oppose secrètement à Baha’u’llah. Vu la gravité de la situation, ce dernier décide de se retirer et de quitter Baghdad.
Le 10 avril 1854, un an après son arrivée à Baghdad, il part brusquement sans informer personne de sa destination. Ses proches restent sans nouvelles pendant deux ans. Yahya et sa maisonnée vivent chez ‘Asiyih Khanum et la tourmentent de toutes les façons possibles. Toujours affectueux et plein de générosité, avant de quitter Baghdad, Baha'u'llah avait demandé aux membres de sa famille de tolérer les mauvaises actions de son frère, de le traiter avec beaucoup de considération et de respect et lui offrir une hospitalité exemplaire.
Obéissant aux recommandations de leur Seigneur, ‘Asiyih Khanum et ses enfants réservent, en dépit de leur pauvreté, le plus grand confort qu'ils peuvent à leur convive et sa famille. Ils dépensent leur temps, leur énergie et le peu de provision qu'ils ont à prendre soin d'eux.
La peur permanente d'être arrêté rend Yahya très cynique et l'incite à se verrouiller chez ‘Asiyih Khanum. Il s'enferme, et avec lui tous ceux qui habitent dans cette maison, interdisant à la sainte famille de fréquenter quiconque. ‘Asiyih Khanum et ses enfants mènent une vie difficile et solitaire.
Pendant cette période d'une agonie indescriptible suscitée par l'absence de Baha'u'llah et de problèmes causés par Yahya, ‘Asiyih Khanum, doit vivre un autre événement tragique. Son petit bébé, Ali Muhammad, devient sérieusement malade. Yahya l'empêche de solliciter un médecin ou même demander l'aide d'un voisin. Le bébé que 'Asiyih Khanum avait porté durant des mois pénibles et dans des conditions difficilement supportables décède faute de soin et de médicament. Pire encore, Yahya ne permet pas que le précieux bébé ait des funérailles convenables. La sainte Navvab a le coeur brisé. Elle ne sait même pas où est enterré le corps doux de son beau bébé. Il fut remis à un homme qui l'emmena sans donner de précision sur le lieu de l'enterrement.
Quelle terrible affliction et douleur ! Ce stade fatal de la vie de ‘Asiyih Khanum nous rappelle encore les prophéties d'Isaïe :
"Car l'Eternel te rappelle comme une femme délaissée et au coeur attristé, comme une épouse de la jeunesse qui a été répudiée, dit ton Seigneur. Quelques instants je t'avais abandonnée. Mais avec une grande affection je t'accueillerai. Dans un instant de colère, je t'avais dérobé ma face. Mais avec un amour éternel, j'aurai compassion de toi, dit ton rédempteur, l'Eternel"
Ensuite, il la rassure et réconforte : "Quand les montagnes s'éloigneraient, Quand les collines chancelleraient, Mon amour ne s'éloignera point de toi, et mon alliance de paix ne chancellera pas, dit l'Eternel qui a compassion de toi."
A Baghdad, l'une des occupations de ‘Asiyih Khanum est de dispenser parfois des cours à son fils Abbas. Sa foi inébranlable, son amour illimité et sa confiance absolue de retrouver son époux adoré sont sans faille. Tandis que Baha’u’llah erre dans la région sauvage de Sulaymaniyyih, elle se met à lui coudre une tenue avec quelques morceaux de tissu précieux persan (Tirmih) qui lui restait de sa dot de mariage. Ce manteau est maintenant prêt à porter.
8. Retour de la Beauté Bénie à Baghdad
Finalement, le 19 mars 1856, Baha’u’llah revient pour mettre fin à l'anxiété incessante de sa famille et lui procurer la plus grande joie de retrouvaille.
Le retour de la Beauté Bénie est salutaire non seulement pour ses proches mais aussi pour une communauté perdue et désemparée. Il apporte d'inestimables bienfaits à la communauté qui doit maintenant se régénérer et recommencer une vie toute dignité et de progrès spirituel.
Entre 1856 et 1863, les oeuvres de Baha'u'llah sont tellement abondantes qu'en espace d'une heure il révèle mille versets et au cours d'une journée l'équivalent du Qur'an entier. Il révèle un très grand nombre d'écrits et enjoint à son secrétaire d'en détruire des centaines de milliers. ‘Asiyih Khanum sait que Baha'u'llah n'a pas fréquenté d'école. Pendant son enfance, il reçut une instruction élémentaire qui consistait à lire et écrire en persan.
Un autre événement heureux est de retrouver son fils adoré Mirza Mihdi, la Plus pure Branche, qui revient de l'Iran où elle l'avait laissé en 1853. Maintenant, elle peut à nouveau étreindre son fils dans ses bras. Une période d'accalmie et de paix est donc accordée à ‘Asiyih Khanum et ses enfants, une période de joie qui prendra fin bientôt.
La renommée du pouvoir grandissant de Baha’u’llah suscite l'animosité des chefs religieux chiites et sunnites à Baghdad. Le clergé persan qui réside en Iraq(15) se joint au Consul général de la Perse à Baghdad(16) pour obtenir l'extradition de Baha’u’llah et de ses compagnons. Neuf mois d'agitations ininterrompues donnent lieu enfin au deuxième exil de Baha’u’llah et de sa famille vers une région plus éloignée de la frontière persane.
9. Le deuxième exil de Baha'u'llah en compagnie de 'Asiyih Khanum (Constantinople)
Le 22 avril 1863, Baha'u'llah quitte Baghdad avec quelques croyants. ‘Asiyih Khanum et les autres membres de la famille sont encore à Baghdad pour faire les préparatifs du voyage. Ils devaient rejoindre Baha’u’llah très tôt après mais l'Euphrate se met en crue et reporte l'arrivée de la famille au 29 avril 1863. Trois jours plus tard, le 3 mai, Baha’u’llah, sa famille et ses compagnons quittent le jardin de Ridvan pour Constantinople.
Le 16 août 1863, les expatriés arrivent dans la capitale de l'Empire ottoman, l'arrivée qui marque le début d'une autre période angoissante pour la vie des exilés mais glorieuse pour la destinée de la Cause de Dieu.
A Constantinople, se répand la réputation de la sagesse de Baha'u'llah et les gens cherchent à venir en sa Présence. Mais les machinations continuelles de l'ambassadeur persan changent en hostilité l'attitude conciliante des autorités ottomanes envers les exilés.
Le sultan et ses principaux ministres donnent l'ordre, sans la moindre justification, de départ immédiat des exilés. Les deux États impériaux de Turquie et de Perse se dressent contre Baha'u'llah pour le bannir plus loin, vers le sol européen, à Andrinople. Le bref séjour (moins de quatre mois) de Baha'u'llah dans cette capitale inaugure la phase initiale de sa proclamation aux dirigeants du monde. Au cours d'un hiver vigoureux et dans des circonstances avilissantes, les expulsés entament leur troisième bannissement. Escortés par des officiers turcs, "les uns voyageaient dans des chariots, d'autres montés sur des animaux de bât – leurs effets empilés sur des charrettes traînées par des boeufs -(17), Baha’u’llah, sa famille et ses compagnons franchissent pendant douze jours à travers pluies et tempêtes, une contrée austère dont le souvenir pénible marque l'esprit des exilés. Ils arrivent à Andrinople le 12 décembre 1863.
9. Le troisième exil de Baha'u'llah en compagnie de 'Asiyih Khanum (Andrinople)
Le premier hiver à andrinople est très éprouvant pour les exilés qui ne sont pas habitués, ni équipés pour un froid qui durera jusqu'en printemps où il neigera encore. Mais indifférents à toutes les difficultés et souffrances, les compagnons de Baha'u'llah sont heureux de se trouver auprès de leur bien-aimé. Les exhortations divines pleines d'amour et de compassion pour l'humanité coulent de ses lèvres. Les habitants de la ville ne tarderont pas d'être attirés par l'amour véritable et le caractère exalté de Baha'u'llah.
Toutefois, Andrinople que Baha'u'llah appellera "Terre de mystère" deviendra la scène d'une crise sans précédent pour la sainte famille. Le feu de la jalousie de Yahya Azal et de ses complices (Siyyid Muhammad Isfahani et Mirza Ahmad de Kashan) s'attisait de jour en jour.
Une année après l'arrivée des exilés à Andrinople, Azal réalise son sinistre dessein et rend Baha'u'llah gravement malade au point que son médecin traitant reste sans espoir. La Beauté Bénie, souffrant de fièvre et de douleurs violentes, reste alitée pendant un mois au cours duquel ‘Asiyih Khanum et ses enfants vivent dans une angoisse extrême. Cet empoisonnement laisse des séquelles irrémédiables sur Baha’u’llah comme le tremblement des mains jusqu'à la fin de sa vie.
A une autre reprise, Yahya empoisonne le puits qui fournissait de l'eau à l'ensemble des exilés. Maintenant, il ne peut plus cacher ses desseins malveillants contre la vie des exilés. Sa haine et celle de ses partisans (bien que très rares) contre Baha’u’llah et ses compagnons est évidente. Il ne recule devant rien, spéculant tous les moyens qui peuvent faire périr Baha’u’llah. A une autre occasion, il demande au barbier de la Beauté Bénie de profiter d'un instant propice pour l'assassiner sans que personne ne se rende compte... L'opposition de Yahya devient donc ouverte et évidente.
Le temps d'une grande rupture est arrivé. Pour apaiser leur animosité insatiable, Baha'u'llah loue en mars 1866, une maison(18) et se retire avec sa famille loin de tous ses compagnons afin d'assurer à chaque exilé sa liberté de choisir entre lui et ses ennemis. Pendant deux mois, il refuse de fréquenter quiconque, y compris ses fidèles et dévoués compagnons.
Cette séparation avec Yahya est un soulagement pour ‘Asiyih Khanum qui est directement concernée par l'entourage menaçant de son vénérable époux. Au milieu de ces calamités incessantes, cette rupture marque un point déterminant dans l'histoire de la Foi et rend enfin un peu de tranquillité d'esprit à la sainte Navvab qui avait vécu la catastrophe de l'agonie de Baha’u’llah. Désormais, les compagnons de Baha'u'llah, séparés de ceux qui leur veulent du mal, peuvent mieux se protéger.
Le séjour à Andrinople marqué par la rébellion effrayante de Mirza Yahya prend fin avec les adresses de Baha'u'llah aux dirigeants du monde. Après avoir vécu pendant cinq ans sur la "Terre du mystère", les exilés doivent se préparer pour d'autres tribulations encore plus frappantes. Car bientôt leur quatrième et dernier bannissement commencera.
Les autorités persanes à Istanbul se mettent à comploter l'extermination de celui qui avait déjà été exilé trois fois. Finalement, le Premier Ministre, Ali Pacha, réussit à obtenir le décret de sultan Abdu'l-Aziz, datée du 26 juillet 1868. Les exilés reçoivent donc l'ordre strict de partir. "Brusquement, un matin, la maison de Baha'u'llah fut entourée de soldats et, sentinelles furent postées aux portes ; ses disciples furent convoqués une fois de plus par les autorités, interrogés, ils reçurent l'ordre de se préparer à partir."(19)
10. Le quatrième exil de Baha'u'llah en compagnie de 'Asiyih Khanum (Akka)
Le 12 août 1868, Baha'u'llah, sa famille et ses compagnons quittent Andrinople entourés d'un capitaine turc et d'autres soldats pour un nouveau lieu d'exil. Après quatre jours, ils arrivent à Gallipoli où Baha’u’llah prophétise la chute du sultan qui avait donné l'ordre de son expulsion et charge le capitaine qui l'escortait d'annoncer cette prédiction au sultan Abdu'l-Aziz.
Ils passent trois nuits à Gallipoli. En ce moment, l'inquiétude et l'anxiété extrêmes s'emparent des exilés. Ils ne savent ni leur propre destination ni celle de Baha’u’llah. Ici, Baha’u’llah et ses frères doivent être séparés des autres exilés. On peut imaginer le désespoir des exilés y compris ‘Asiyih Khanum et ses enfants. La Beauté Bénie refuse de se séparer de ses compagnons et finalement il est accordé qu'ils partent tous pour la même destination. Mais les dangers et les souffrances qu'ils devront encourir sont très grands.
Yahya Azal et ses partisans seront envoyés à Chypre. Mais les autorités ordonnent que certains des complices de Yahya accompagnent Baha’u’llah tout comme quatre des compagnons fidèles de Baha’u’llah doivent partir avec Yahya.
Le 21 août 1868, Baha’u’llah et environ soixante-dix compagnons s'embarquent sur un vapeur autrichien. Ils arrivent à Haïfa via Alexandrie, Port-Saïd et Jaffa. Le manque de nourriture suffisante pendant ce voyage a rendu tout le monde faible et fragile. La dernière étape du voyage commence quelques heures plus tard. Les exilés s'embarquent dans un voilier qui les conduit à Saint-Jean d'Acre. Bahiyyih Khanum, la plus sainte Feuille, relate les difficultés de ce voyage : "La chaleur était insupportable… Il n'y avait pas de vent ni d'ombre pour nous protéger des rayons du soleil. Nous avons passé huit heures terribles. Enfin, nous arrivâmes à Akka, la fin de notre voyage."(20) Ainsi, le décret du sultan les conduit sur les rivages de la Terre sainte de tous les prophètes de Dieu. La terre promise devient en conséquence le marchepied du Seigneur des armées et de ses compagnons.
11. La cité fortifiée d'Akka
Le débarquement sur cette terre inhospitalière est imbibé de difficultés. Le 31 août 1868, toute la population de la ville est rassemblée sur le port pour voir l'arrivée des prisonniers. Avec une attitude hostile à l'égard des nouveaux arrivés, la foule les salue d'un regard moqueur et d'un langage injurieux hurlant des malédictions. Les exilés affaiblis et exténués par ce long voyage en plein été, entassés dans le bateau sans le confort minimum, ignorent ce qui les attend. Ils sont conduits ensuite aux baraques, sillonnant les rues étroites et sinueuses d'Akka pour être enfin confinés dans une caserne gardée par des sentinelles.
La première nuit de leur arrivée, les exilés sont mis dans une cellule complètement dénudée et très sale. Ils ont tous soif mais les gardes refusent de leur donner à boire. Les femmes et les enfants en souffrent terriblement. Celles qui allaitent sont incapables de nourrir leurs bébés. Il y a des heures que les enfants n'ont pas bu ni mangé. 'Abdu'l-Baha interpelle plusieurs fois les gardes d'avoir pitié des enfants et sollicite de voir le gouverneur d'Akka. Ses requêtes restent sans effet.
Bientôt, les prisonniers tombent tous malade en même temps à l'exception de deux : 'Abdu'l-Baha et Aqa Rida Qannad. Les malades souffrent de la malaria, la fièvre typhoïde et la dysenterie. Il n'y a ni médecin, ni médicament ni même assez de nourriture saine pour les soulager. L'eau est tirée d'un puits infecté.
Notre héroïne, au coeur tendre et bienveillant, est évidemment très affectée par cette situation affligeante. Ses souffrances accumulées durant de longues années de bannissement commencent à fragiliser sa santé. Les odeurs nauséabondes des lieux du confinement sont insupportables. Sa fille adorée s'évanouit devant elle. 'Abdu'l-Baha qui est le bouclier protecteur de son Père depuis leur départ de Baghdad doit maintenant s'occuper des malades et veiller sur leur état. Mais lui aussi est à la fin malade, ce qui rend sa mère très anxieuse.
Près de deux années se sont écoulées de leur réclusion dans la caserne d'Akka. Ses enfants sont à présent de beaux jeunes ravissants, ils ont tous les trois plus de vingt ans. Malgré les adversités, ‘Asiyih Khanum est heureuse de les avoir près d'elle et de se retrouver tous en présence de Baha’u’llah. Hélas, ce plaisir ne doit pas durer longtemps. L'événement le plus tragique doit survenir dans sa vie tourmentée. Elle va assister à la mort prématurée et poignante de son plus jeune garçon chèrement aimé. C'est le comble des afflictions pour la sainte ‘Asiyih Khanum.
12. Le sacrifice de la plus pure Branche (son fils Mirza Mihdi)
Mirza Mihdi vécut sa tendre enfance dans le berceau de l'adversité pendant les jours d'angoisse et de détresse de sa famille. Son existence fut ensuite empreinte par la séparation et les calamités. De nature délicate, son seul refuge était les bras de sa mère ou ceux de sa soeur affectueuse. Mais la Providence l'en priva également. Durant sept ans, il vivra séparé de ses parents bien-aimés.
A Baghdad, il est subjugué par les forces de la révélation divine et décide de se dévouer entièrement au service de la Cause de Dieu. Il accompagne Baha'u'llah de Baghdad à Akka et partage ses souffrances. Tout au long de sa courte vie pleine d'événements, il affronte les douleurs et les afflictions avec sa douceur naturelle et ses qualités spirituelles très élevées. Il est heureux auprès de son Seigneur en exil et à l'intérieur des murs de prison. Les croyants admirent son humilité, son effacement et sa piété, ils l'aiment et le vénèrent. Dans la caserne, il est souvent en présence de son père bien-aimé tard dans l'après-midi pour lui servir de secrétaire. Ensuite, il monte sur le toit de la caserne (le seul endroit où les prisonniers étaient libres d'aller) pour prier et méditer.
Le soir du 22 juin 1870, il monte comme d'habitude sur le toit de la caserne en arpentant cet espace familier. Mais ce soir fatidique, absorbé dans ses prières, transporté par ses méditations, il tombe à travers une ouverture non protégée sur un cageot en bois posé au sol. D'après le cuisiner de la maison Husayn-i-Ashchi, un grand bruit alerte les exilés. Ils courent tous vers le lieu de la tragédie et découvrent avec horreur la plus Pure Branche grièvement blessée et saignant abondamment. ‘Asiyih Khanum, frêle et effrayée se précipite auprès de son fils. Lorsqu'elle le trouve baignant dans son sang, elle pousse un gémissement de douleur et perd connaissance. Malgré sa faiblesse et sa douleur virulente, son fils adoré tend les mains et prend sa mère entre ses bras. La Beauté Bénie sort de sa cellule et demande ce qui avait causé sa chute. Mirza Mihdi répond qu'il connaissait l'emplacement de cette ouverture et l'évitait mais que, cette fois, il l'a complètement oubliée.
Le jeune homme est transporté dans une cellule. Un médecin italien est appelé pour le soigner mais il ne peut rien faire. Le même témoin rapporte que la plus pure Branche, malgré ses douleurs et son affaiblissement, accueillait chaleureusement les exilés qui venaient à son chevet.
Les membres de la sainte famille, angoissés et extrêmement chagrinés, se rassemblent autour de lui. 'Abdu'l-Baha, larmes aux yeux intercède auprès de Baha'u'llah et se prosternant à ses pieds le supplie de guérir son frère. Baha'u'llah lui conseille de confier son frère à la volonté et au bon plaisir de Dieu. Puis, il vient au chevet de son fils soupirant et reste seul avec lui pendant un certain temps. Puis, il vient au chevet de son fils soupirant et reste seul avec lui pendant un certain temps. Personne ne connaît les détails sur ce qui se passe durant ce précieux tête-à-tête entre le père et son fils bien-aimé. Baha'u'llah lui demande s'il désire vivre, en l’assurant que si tel était son souhait, Dieu lui permettrait de guérir et de recouvrer la santé. Mais, la plus pure Branche supplie la Beauté Bénie d'accepter sa vie comme rançon, pour l'ouverture des portes de la prison aux croyants qui viennent de loin afin d’accéder en sa présence. Baha'u'llah accepte son sacrifice et Mirza Mihdi décède le 23 juin 1870 vingt-deux heures après sa chute, à l’âge de 22 ans.
Les rares récits laissés à la postérité ne relatent pas en détail les effets dévastateurs de la mort tragique de Mirza Mihdi sur sa mère. Une mère accablée par le décès tragique de son fils adoré, doit sans doute pleurer sans cesse cette perte cruelle. Dans les moments d'épreuves, ‘Asiyih Khanum a toujours son regard fixé sur son Seigneur. Baha'u'llah lui demande d'être patiente dans ce deuil qui représente le sacrifice volontaire de son fils, afin que les croyants puissent rencontrer l'objet de leur désir et que le genre humain soit revivifié. ‘Asiyih Khanum implore son Seigneur d'accepter le sacrifice de son enfant. Baha’u’llah lui assure que Dieu approuve son sacrifice. La sainte Navvab est réconfortée et cesse de pleurer. Elle se prosterne, et déclare que le bon plaisir de son Seigneur est le voeu de son coeur.
‘Asiyih Khanum est consciente du rang de son fils "qui avait été créé de la lumière de Baha" et de la portée de son martyre pour l'unification de la race humaine. Elle accepte volontairement le tourment de cette séparation pour le bien-être de l'humanité. Elle sait que la Cause de Dieu s'épanouit à travers les tribulations subies pour l'amour de Dieu. Le grand sacrifice de son fils doit maintenant apaiser la situation et permettre aux amoureux d'atteindre la présence de leur bien-aimé.
Pendant que le corps béni de son fils est lavé dans la cour des baraques, ‘Asiyih Khanum reste dans la cellule à l'étage supérieur où la famille pleure et les exilés se lamentent de la perte de ce fils précieux et chèrement aimé. Aucun membre de la famille n'est autorisé à accompagner le cercueil de la plus pure Branche au cimetière. Ils sont prisonniers et n’ont pas le droit de quitter la caserne. Durant ces heures d'épreuves dans l'enceinte de la prison, ‘Asiyih Khanum supporte avec magnanimité la douleur du deuil de son jeune et beau garçon.
Afin d’éviter de donner le corps béni aux gardes de la prison, l'un des exilés sollicite la faveur de le laver. 'Abdu'l-Baha accepte sa requête. Le cuisinier Husayn-i-Ashchi rapporte ainsi :
"Une tente fut dressée au milieu de la caserne. Nous plaçâmes son corps béni sur une table au centre de la tente, et le Shaykh Mahmud commença [avec un autre ami] la tâche de le laver. Les aimés de Dieu se lamentaient et gémissaient et comme des papillons tournaient autour de cette chandelle [Mirza Mihdi] que les mains de Dieu avaient allumé... Le Maître arpentait la cour de la caserne en dehors de la tente. Son visage trahissait les signes d'un profond chagrin.
Le corps lavé et entouré du linceul, fut mis dans un cercueil neuf. A cet instant, les cris de douleur et de lamentation montaient aux cieux. Le cercueil fut porté haut sur les épaules des hommes avec majesté et sérénité au dehors de la caserne. Il fut inhumé au cimetière de Nabi Salih, à l'extérieur d'Akka… Lors du retour à la caserne un tremblement de terre secoua la région et nous avons tous compris que c'était l'effet de l'enterrement de cet être saint."(21)
13. Les portes de la prison d’Akka s'ouvrent
Quatre mois après ce grand sacrifice, Baha'u'llah et sa famille sont déplacés dans plusieurs habitations jusqu'à ce qu'ils occupent la maison d'Udi Khammar.(22) Ses compagnons sont logés dans d'autres maisons et dans un caravansérail appelé Khan-i-Avamid. Leur réclusion est atténuée et les gardes qui surveillaient les exilés quittent la ville. Mais une autre crise interne reprend avec violence et crée la plus pénible des situations pour Baha’u’llah et sa famille.
Siyyid Muhammad Isfahani et deux autres(23) de ses partisans avaient été exilés avec Baha'u'llah. Ces trois personnes, d'une animosité farouche, consumées par l'envie et la jalousie, se lèvent pour mettre en danger la vie de la Manifestation divine. Ils causent des ravages entre la communauté et les habitants de la ville, empoisonnent l'esprit des notables et des représentants des autorités ottomanes par le dénigrement, les intrigues et les calomnies. Ils se livrent à de cruelles agitations qui causent d'immenses souffrances au Prisonnier d'Akka. Celui-ci accroît les exhortations et demande à ses compagnons d'être patients et indulgents, tolérants et bienveillants, et d’avoir une conduite noble envers ses ennemis déclarés.
Devant l'extrême gravité de la situation engendrée par les azalis(24), Baha'u'llah (qui habite dans la maison d'Udi Khammar), décide de se retirer de la communauté et de ne rencontrer personne. Ce silence et cet isolement enhardissent les fauteurs de troubles. Ils utilisent tous les moyens possibles pour discréditer Baha'u'llah et ses compagnons. Entre autre, ils répandent la calomnie et modifient le contenu de certains écrits saints avant de les distribuer dans la ville afin de provoquer l'hostilité de la population contre Baha’u’llah.
L'Opprimé du monde révèle une tablette dans laquelle il divulgue les douleurs et les afflictions causées par l'animosité des briseurs de l'Alliance. Cette puissante tablette, connue sous le titre de "Tablette du Feu"(25) est d'un ton unique dans les écrits de Baha'u'llah. Elle exprime sa communion mystique, qui rappelle la parole du Christ sur la croix :
"Mon Dieu, mon Dieu, Pourquoi m'as-tu abandonné". La souffrance exprimée par la Manifestation suprême de Dieu dans cette Tablette émeut l'âme et bouleverse le coeur : "Baha est submergé par un l'océan de tribulations : Où est l'Arche de Ton salut, ô Sauveur des mondes…"
Quelques-uns des compagnons de la Beauté Bénie, qui ne peuvent plus supporter de Le voir souffrir à cause de quelques malfaiteurs, décident de mettre fin aux activités infernales des azalis. Sept des compagnons de Baha'u'llah(26) vont, sans informer ce dernier, exterminer les trois auteurs de discorde,(27) en dépit des exhortations insistantes de leur Seigneur. Ils sont conscients du danger d'être à jamais privés de la présence de leur bien-aimé, sachant que Baha'u'llah condamne sévèrement un tel acte. Cependant, ils ne veulent plus permettre que Baha'u'llah et ses aimés soient laissés à la merci des attaques incessantes, de fausses accusations et de calomnies. Ils préfèrent sacrifier leur vie spirituelle en commettant ce crime répréhensible que voir leur Seigneur souffrir de cette manière.
C'est l'indignation extrême pour Baha'u'llah qui clame sa douleur dans une tablette :
"Ma captivité ne peut me faire de mal. Ce qui peut me faire de mal, c'est la conduite de ceux qui m'aiment, qui se réclament de moi et qui, pourtant, commettent ce qui fait gémir mon coeur et ma plume…"(28)
Une heure après le coucher du soleil, les troupes de l'armée entourent la maison. La population d'Akka est très agitée et hurle sa colère. Les exilés sont consternés, une grande émotion s'empare de la ville, les clameurs de la foule s'entendent de toute part. Baha'u'llah se rend au siège du gouvernement où il est interrogé et détenu. 'Abdu'l-Baha est conduit à la prison de Liman où il reste enchaîné la première nuit, puis il rejoint Baha'u'llah. Tous les exilés sont frappés par cet événement désastreux.
"La coupe des tribulations de Baha’u’llah était maintenant prête à déborder. Les exilés continuèrent à se trouver aux prises avec une situation profondément humiliante, angoissante et même dangereuse, jusqu'au temps, fixé par une volonté impénétrable…"(29)
Cet incident survient en 1972 et cause beaucoup de souffrances à Baha'u'llah, sa famille et ses compagnons. ‘Asiyih Khanum assiste anxieusement à ces événements qui affligent son époux et son fils. Elle voit l'arrivée de gardes qui arrêtent Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha. Elle passe de longues heures terrifiantes en attendant des nouvelles de ses bien-aimés. Enfin, ceux-ci rentrent après quelques jours de détention. Peu de temps après, grâce aux efforts inlassables de 'Abdu'l-Baha, le nouveau gouverneur et les habitants de la ville reconnaissent l'innocence de Baha’u’llah. Peu à peu, les gens de toutes les couches sociales sympathisent avec les exilés.
L'événement le plus heureux de la vie de ‘Asiyih Khanum est peut-être le mariage de 'Abdu'l-Baha. Son seul fils adoré a 29 ans lorsque sa future épouse arrive de Perse. Les simples cérémonies du mariage réalisent le plus cher souhait de la vie terrestre de ‘Asiyih Khanum.
14. Le décès de la sainte Navvab (son épouse ‘Asiyih Khanum)
En 1886, ‘Asiyih Khanum minée par les afflictions successives, perd de plus en plus sa force physique et souffre de maladies dont la nature exacte nous est inconnue. 'Abdu'l-Baha et Bahiyyih Khanum sont très préoccupés par l'état de santé de leur mère qui ne fait qu'empirer. Lorsque la fin de sa vie terrestre approche, Baha’u’llah vient à son chevet dans la maison d'Abbud. Il est à ses côtés lorsque la sainte Navvab expire. Ses précieux enfants, 'Abdu'l-Baha et Bahiyyih Khanum sont aussi près d'elle. Quel immense chagrin pour eux qui, des années durant, avaient assisté aux terribles tribulations et aux calamités multiples que leur mère a endurées ! Enfin libérée des entraves affligeantes d'une vie douloureuse, ‘Asiyih Khanum prend son essor vers son "lieu le plus exalté au Paradis suprême et au firmament d'Abha".
Les tablettes de Baha’u’llah adressées à Navvab et révélées en son honneur sont nombreuses. Shoghi Effendi en traduisit quelques extraits dans son message du 21 décembre 1939, adressé aux Baha'is des Etats Unis d'Amérique, à l'occasion du transfert des restes de ‘Asiyih Khanum et de la Plus pure Branche sur le mont Carmel. Ces extraits sélectionnés nous révèlent la station glorieuse de ‘Asiyih Khanum :
"Le Premier Esprit par lequel tous les esprits ont été révélés et la première Lumière par laquelle toutes les lumières ont resplendi reposent sur toi, ô Feuille la plus exaltée, toi qui as été mentionné dans le Livre Pourpre ! Tu es celle que Dieu a créée pour te lever et servir sa propre Personne, la Manifestation de sa Cause, l'Aurore de sa révélation, l'Aube de ses signes et la Fontaine de ses commandements. Il t'a confirmée à te tourner vers Lui de tout ton être à un moment où ses serviteurs et ses servantes s'étaient détournés de sa Face… Bienheureuse es-tu, ô Ma servante et ma Feuille qui as été mentionnée dans Mon livre, inscrite par Ma Plume de gloire dans mes manuscrits et mes Tablettes… Réjouis-toi à cet instant, dans le Lieu le plus exalté, au Paradis suprême et au Firmament d'Abha de ce que le Seigneur des Noms t'a mentionnée. Nous portons témoignage que tu as atteint tous les biens et que Dieu t'a exaltée à une telle station que tout honneur et toute gloire gravitent autour de toi."(30)
O Navvab ! Ô Feuille qui a jailli de mon arbre et qui a été ma compagne ! Que ma gloire, ma bonté et ma miséricorde qui ont surpassé tous les êtres soient sur toi. Nous t'annonçons ce qui réjouira ton oeil, assurera ton âme et enchantera ton coeur. En vérité, ton Seigneur est le Compatissant, le Très-Généreux. Dieu a été et sera satisfait de toi. Il t'a désignée parmi ses servantes pour Le servir et a fait de toi la compagne de sa Personne pour le jour et la nuit.
Ecoute-moi encore, Baha’u’llah la rassure, Dieu t'a accordé son bon plaisir comme un don de sa grâce et un signe de sa miséricorde. Il a fait de toi sa compagne dans chacun de ses mondes, et t'a nourrie de sa rencontre et de sa présence aussi longtemps que dureront son nom, son souvenir, son royaume et son Empire. Bienheureuse est la servante qui t'a mentionnée, qui a cherché ton bon plaisir, qui s'est humiliée devant toi et qui s'est tenue à la corde de ton amour. Malheur à celui qui a renié ton rang exalté et ce qui t'a été destiné par Dieu, le Seigneur de tous les noms ; malheur à celui qui s'est détourné de toi et a rejeté ta station devant Dieu, le Seigneur du trône puissant."(31)
Ces écrits de Baha’u’llah révèlent le rang hautement élevé de ‘Asiyih Khanum dans cette révélation divine. C’est une attitude de vénération que les peuples du monde doivent adopter vis-à-vis de sa position éminente.
"Ô fidèles", Baha’u’llah s'adresse au peuple de Baha, "si vous visitez la sépulture de la Feuille la Plus exaltée, qui est montée vers son glorieux Compagnon, restez debout et récitez, "Salutation, bénédiction et gloire à toi, ô Sainte Feuille, qui a jailli de l'Arbre sacré ! J'atteste que tu as cru en Dieu et en ses signes, et que Tu as répondu à son appel, que tu t'es tournée vers Lui, que tu t'es accrochée à la corde de sa bonté, que tu as saisi le pan du vêtement de sa grâce, que tu as délaissé ta maison pour son chemin, que Tu as choisi de vivre comme une étrangère par amour de sa présence et dans ton ardeur à Le servir. Puisse Dieu être miséricordieux envers celui qui se rapproche de toi et qui se souvient de toi par ce que ma Plume a énoncé ; c'est là le rang le plus élevé. Nous prions Dieu de nous pardonner et de pardonner à ceux qui se sont tournés vers toi, qu'Il exauce leurs désirs, leur accordent, par sa grâce merveilleuse tout ce qu'ils souhaitent. Il est, en vérité, le Bienfaisant, le Généreux. Louange à Dieu, Lui qui est le Désir de tous les mondes et le Bien-Aimé de tous ceux qui le reconnaissent."(32)
Les funérailles de ‘Asiyih Khanum, contrairement à ceux de son fils qui avaient eu lieu seize ans auparavant, furent dignes de sa position de la sainte épouse de Baha'u'llah. D'après H.M. Balyuzi : "Les notables de ‘Akka, les ecclésiastiques musulmans et chrétiens suivirent le cortège des funérailles précédées par les muezzins et les personnes récitant le Qur'an. Les écoliers rejoignirent la procession chantant les versets et les poèmes exprimant leur chagrin. Accablant était la tristesse de 'Abdu'l-Baha.(33)
15. Transfert des restes bénis de ‘Asiyih Khanum sur le Mont Carmel
En décembre 1939, cinquante-trois ans après le décès de ‘Asiyih Khanum, le Gardien de la Cause de Dieu, Shoghi Effendi transfère ses restes et ceux de son fils, la plus pure Branche, sur les pentes du mont Carmel en dépit de la forte opposition des briseurs de l'Alliance. Amatu'l-Baha Ruhiyyih Khanum écrit : "La Plus sainte Feuille avait toujours désiré reposer près de sa mère qui était enterrée à Akka, de même que son frère Mihdi. Mais elle fut dignement inhumée sur le Mont Carmel près du mausolée du Bab. Shoghi Effendi conçut alors l'idée de transférer les restes de la mère et du frère de la plus sainte Feuille, inhumés de manière si peu digne à Akka…"(34)
Amatu'l-Baha qui était présente à cette époque décrit le détail de ce transfert : "…Quand la terre fut enlevée de dessus du cercueil de la mère du Maître, il découvrit que le bois était encore intact, sauf pour le fond qui était pourri. Aussi ordonna-t-il de soulever le cercueil doucement. Il me dit que le visage de la mère de 'Abdu’l-Baha, enveloppé dans son linceul, y reposait avec des contours si nets qu'on pouvait presque discerner ses traits ; mais au premier toucher il tomba en poussière ainsi que les os. Il descendit dans la tombe et de ses propres mains il aida à mettre le squelette dans le nouveau cercueil préparé à cet effet. Le cercueil fut alors fermé et chargé sur un véhicule qui attendait…"(35)
Lorsque les corps sacrés de ‘Asiyih Khanum et de son fils inestimable sont transférés sur le mont Carmel, Shoghi Effendi annonce la bonne nouvelle dans son message du 5 décembre 1939 à l'Assemblée spirituelle nationale des Baha'is des Etats Unis : "Restes bénis Branche plus Pure et mère du Maître transférés sécurité enceinte sacrée Mausolée Mont Carmel. Humiliation longtemps affligée balayée. Machinations briseurs Covenant échouées ; plan déjoué. Désir chéri Feuille Plus Sainte accompli. Soeur, frère, mère, femme, 'Abdu'l-Baha réunis un lieu destiné constituer centre focal institutions administratives baha'ies au centre mondial de foi. Communiquer joyeuse nouvelle corps croyants Américains. Shoghi Effendi".(36)
Trois semaines plus tard, le 26 décembre, ces restes précieux sont ensevelis aux endroits désignés au coeur du mont Carmel par le Gardien de la Foi. Ils resteront éternellement en face du tombeau de Baha’u’llah à Bahji et près du mausolée du Bab et de 'Abdu'l-Baha. Les sièges spirituel et administratif de la communauté mondiale baha'ie ont une signification spéciale. Ces monuments sacrés des membres de la famille du Maître : sa mère, sa soeur, son frère et son épouse constituent l'axe des édifices de l'Arc, destiné à réunir les institutions administratives internationales de la Foi sur les flancs du mont Carmel, renforçant des potentialités spirituelles de la race humaine. La montagne de Dieu est, une fois encore, honorée de recevoir dans son sein les trésors les plus appréciés.
La vie de ‘Asiyih Khanum est un exemple pour les Baha'is. Celle qui avait l'amour de Baha’u’llah en tant que la Manifestation suprême de Dieu pour notre époque, qui aimait sa Cause pour laquelle elle donna le meilleur de son existence, aimait aussi ses bien-aimés pour lesquels elle s'est toujours dévouée. Elle prouva son amour par les actes les plus nobles. De ville en ville et de pays en pays, elle accompagna son Seigneur à travers les montagnes, les prairies, les mers ; elle passa sa vie dans les villes fortifiées de Constantinople et de ‘Akka, supporta les climats les plus rudes et les circonstances les plus cruelles, pour terminer sa vie terrestre toujours prisonnière. C’est un exemple sublime d'amour et de sacrifice.
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TAHERZADEH Adib, The Revelation of Baha’u’llah. Oxford: G. Ronald, 1988
The Child of the Covenant. Oxford: G. Ronald, 2000
ZARQANI Mahmud, Badayi'ul-Athar [Récit du voyage de 'Abdu'l-Baha en Occident], vol. 2. Karimi press, 1921
FAIZI M.A., Hadrat-i-Baha’u’llah. Téhéran : Editions baha'ies, 125 E. B.
ARBAB Furugh, Akhtaran-i-Taban. Vol 1. - 3e éd. - New Delhi : Mirat Publications, 1999
NOTES
1 Prononcer Assiyéh Khanom
2 Dieu passe près de nous, M.E.B 1976, p. 102
3 Shoghi Effendi, Messages to America, Wilmette : BPC, 1947, p. 36
4 Blomfield, The Chosen Highway, London : The Baha'i Publishing Trust, [1940], p. 39
5 Ibid., p. 40
6 Blomfield, The Chosen Highway, London : The Baha'i Publishing Trust, [1940]
7 La chronique de Nabil, 1986, p. 413
8 Blomfield, The Chosen Highway, London : The Baha'i Publishing Trust, [1940], pp. 40-41
9 Zarqani, Badayiu'l-Athar p. 187
10 Blomfield, The Chosen Highway, London : The Baha'i Publishing Trust, [1940], pp. 44-45
11 Ibid, p. 47
12 Ibid. p. 47
13 Il avait 8 ans lorsque Mirza Buzurg décéda en 1839
14 Shoghi Effendi, Dieu passe de nous, MEB, 1976, p. 108
15 Shaykh Abdu'l-Husayn
16 Mirza Buzurg Khan
17 Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, MEB, 1976, p. 152
18 Maison de Rida Big
19 Shoghi Effendi, Dieu passé près de nous, M.E.B, 1976, p.
20 Blomfield, The Chosen Highway, London : The Baha'i Publishing Trust, [1940], p. 66
21 Cité par Adib Taherzadeh The Revelation of Baha'u'llah. vol 3. - Oxford : G. Ronald, 1983, p. 209
22 Un habitant chrétien (maronite) d'Akka et son neveu Eliyas Abbud vivait dans deux maisons côte à côte. Udi loua sa maison à Baha’u’llah et alla vivre à l'extérieur d'Akka. Eliyas était très en colère contre son oncle et désagréable avec la sainte famille. Il était très mécontent de les avoir comme voisins. L'incident sinistre de l'assassinat des azalis ajoute à sa méfiance.
23 Lorsque les portes de la prison s'ouvrent aux exilés, Mirza Rida-Quli, le beau-frère de Yahya que Baha'u'llah avait expulsé à cause de son mauvais comportement rejoint Siyyid Muhammadet Kaj-Kulah
24 Partisans de Yahya Azal
25 Révélée vers la fin 1871, en réponse à la lettre de Haji Siyyid Ali-Akbar-i-Dahaji
26 Aqa uhammad-Ibrahim-i-Nazi, Mirza Husayne-i-Najjar, Aqa Husayn-i-Ashchi, Mirza Jafar de Yazd, Ustad Ahmad-i-Najjar, Aqa Muhammad-Aliy-i-Salmani et Abul'l-Karim-i-Kharrat
27 Siyyid Muhammad-i-Isfahani l'antéchrist de la révélation baha'ie, Aqa Jan-i-Kaj-Kulah, Mirza Rida-Qiliy-i-Tafrishi
28 Cité par Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, MEB, 1976, p. 181
29 Ibid. pp. 182-183
30 Shoghi Effendi, Messages to America, Wilmette : BPC, 1947, p. 34
31 Shoghi Effendi, Messages to America, Wilmette : BPC, 1947, p. 34
32 Prières baha'ies : Un recueil de prières de Baha'u'llah, du Bab et de 'Abdu'l-Baha, 2000
33 Baha'u'llah : The King of Glory, 1980, p. 369
34 La Perle inestimable, Bruxelles : Maison d'éditions baha'ies, 1976, p. 307
35 La Perle inestimable, p. 308
36 Ibid., p. 309
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